Enfin, le dossier Kabbala !
En entreprenant cette étude, nous nous sommes trouvés d’emblée confrontés à une difficulté de taille: sans poser la question de l’existence d’une éventuelle mystique ou contemplation kabbalistique, même au premier niveau de lecture, il est impossible de décrire l’impact que peut avoir sur une personne l’étude nos textes sacrés, quand elle est menée dans les règles de l’art, dans les conditions adéquates et après le cursus normal, à savoir les quelques dix ou vingt années d’étude du niglé, des textes classiques, Guemara, etc.
L’expérience personnelle, existentielle, ne peut être transmise. Elle doit être vécue. C’est dire le dilemme devant lequel nous nous sommes trouvés, en ouvrant ce dossier Kabbala : nous savions dès l’abord qu’il s’agissait d’un domaine qui par défini-tion n’était pas abordable par le biais de l’écriture ! Mais c’est justement ce fait qui nous a, paradoxale-ment, amenés à aborder ce domaine : tant d’ouvra-ges de vulgarisation ont paru, tant de thèses ont été consacrées à cette partie fondamentale de la con-naissance juive, qui n’ont pas su ou pas voulu respecter l’esprit de la Kabbala et de nos maîtres eux-mêmes, qu’il nous a paru urgent et essentiel d’en parler, aussi imparfaitement soit-il. Nous avons tenté d’en tracer le pourtour précis, en particulier en questionnant un kabbaliste authentique qui a accepté de répondre à nos interrogations ; nous avons repris un texte de l’une des hautes personna-lités contemporaines, le rav ‘Hayim Friedlànder, qui a beaucoup oeuvré lui-même pour faire paraître des ouvrages du Ram’hal ; nous avons encore appris les principes fondamentaux de l’objet de la Kabbala avec un article de rav Hemmendinger ; nous avons aussi réfléchi aux relations entre la « Philosophie et la Kabbala », et avons enfin tenté de comprendre cet « au-delà de l’esprit » qui semble poindre au bout du chemin. Ces diverses études donnent des définitions qui pourront paraître au lecteur quelque peu contradicoire, mais en fait ne font que présenter des points de vue différents sur une même mais complexe réalité.
Une note, sur le plan linguistique : l’orthographe même du mot, retranscrit de l’hébreu qabbala, nous a imposé une certaine réflexion. En effet, selon le dictionnaire, les termes officiels de « Kabbale » ou « Cabale », peuvent avoir plusieurs sens et prêter à confusion : le sens premier est bien «tradition juive donnant une interprétation mystique et allégorique de l' »Ancien Testament »» – définition qui nous semble déjà partiellement inexacte, comme nous le verrons -, mais ces mots désignent aussi une forme de « science occulte » en rapport avec la magie, d’une part, et d’autre part des «manoeuvres secrètes, concertées contre quelqu’un ou quelque chose, ou l’association de ceux qui s’y livrent» (Petit Robert). Afin d’éviter tout contresens, nous avons décidé de ne pas avoir recours à ces termes consacrés, et nous nous sommes permis de forger le néologisme « Kabbala », plus conforme à la source. Par contre, là où il nous a fallu citer le terme hébraïque originel, nous avons laissé l’ortho-graphe qabbala (le Q étant conventionnellement utilisé pour retranscrire le « gour hébreu), en italiques pour bien indiquer qu’il s’agit d’hébreu et non de français.
L’année 5754 est une année de Chemita : elle marque la septième année de notre revue, qui, cer-tains de nos lecteurs s’en souviennent sans doute encore, avait été lancée avec un dossier Chemita qui avait fortement intéressé le public francophone. Nous nous sommes permis de récidiver : une partie de notre présent numéro est consacré à cet aspect de l’actua-lité, et nous avons voulu nous consacrer au vécu de la Chemita, tant en Israël qu’à l’étranger.
Rav H. Kahn
ou