EDITORIAL :
1939 fut une année fatidique pour le peuple juif. La question qui nous dérange tous est de savoir comment nous sommes arrivés à une telle situation, à un tel cataclysme qui détruisit tout sur son passage. Le centre essentiel du judaïsme de l’époque, celui d’Europe Centrale, en sortit exsangue, et après la Shoah, il ne restait pratiquement aucune communauté dans cette partie du monde. Six millions de Juifs disparurent, assassinés dans les camps ou fusillés tant par les soldats nazis que par leurs collaborateurs lituaniens, polonais ou autres ! Des dizaines de milliers de grandes personnalités du peuple juif, de tsadiqim et de rabbanim, ont alors trouvé la mort, sans parler des jeunes qui pourtant étudiaient la Tora ! Nombreux sont ceux qui ont tenté de comprendre la Shoah. Nous voudrions, pour notre part, aborder ici ce chapitre d’une autre manière. Il nous semble en effet que décrire l’évolution de la communauté juive d’Europe centrale entre le début du XIXe siècle jusqu’au déclenchement de la Shoah nous permettrait de mieux saisir ce qui s’est passé alors : au cours de ces années, un immense glissement de terrain s’est produit, conduisant doucement, mais hélas inexorablement, une grande majorité de la communauté à un abandon et à un rejet important de toutes nos traditions religieuses. Il ne s’agira pas pour nous d’apporter une réponse de plus, mais de brosser un tableau pour mieux comprendre la problématique du judaïsme d’alors. Nous avons pris conseil auprès de rav Dov Eliakh, historien connu et auteur de plusieurs ouvrages concernant le monde d’Europe Centrale d’avant-guerre, qui nous a semblé être l’une des personnes les mieux informées sur cette période, en tout cas pour ce qui concerne les communautés juives de Lituanie et de Pologne. Le rav Eliakh a publié un livre sur ces années : Chimekha lo chakha’hnou (« Nous n’avons pas oublié Ton Nom »).
Contrairement à ce que l’on entend parfois, le monde orthodoxe est très présent auprès de nos frères non-pratiquants, et entreprend de grands efforts pour les rapprocher. – Avec un peu de sincérité et de dévouement, on peut arriver de nos jours à des résultats exceptionnels. – Le public israélien moyen, aussi éloigné semble-t-il de la pratique, traverse actuellement une grande crise d’identité, ne trouvant plus en lui-même de valeurs auxquelles adhérer ! La période est à ce sujet tout à fait troublante ! Nous espérons que le compterendu de notre enquête permettra au lecteur de prendre conscience du changement d’atmosphère que nous vivons actuellement – même si, en apparence, l’opposition à la Tora est toujours aussi forte qu’auparavant.
Mais, en vérité, ces deux dossiers sont fortement liés : autant la communauté juive d’Europe Centrale se laissait entraîner vers le rejet et l’abandon de nos traditions, d’une manière inexorable – de nos jours c’est justement du phénomène inverse que nous sommes témoins ! Actuellement, les gens semblent plus disposés à écouter et à se laisser convaincre de l’importance de la Tora, à revenir à la synagogue et à la pratique ! Bien entendu, le mouvement de la Techouva a été lancé voici plusieurs décennies, entre la Guerre des Six Jours et celle de Yom Kippour, mais jusqu’à présent, les choses se faisaient avec difficulté et rencontraient de grandes oppositions idéologiques. Aurait-on pu alors imaginer qu’un jeune homme orthodoxe puisse s’installer dans un kibboutz ou un mochav non-religieux, et parvenir au bout de quelque temps de présence à développer une authentique vie juive sur place, comme le fait par exemple la personne à laquelle nous avons rendu visite, le rav Gerbi – avec synagogue, miqwé et kollel à l’horizon ? Nous nous sommes témoins, de nos jours, d’un changement incroyable dans la mentalité en Israël. Face à l’abandon et la révolte d’avant la Shoah, nous vivons a priori un retour encourageant à la pratique.
Rav H. Kahn
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