141 – Janvier 2011 – La royauté en Israel

Et le droit de Yehouda à la royauté

Passons à présent à Yehouda, fondateur de la principale maison royale en Israël. Nous ne serons pas surpris de constater que lui non plus n’a pas eu droit à ce rang sans que ses propres mérites ne le lui aient permis ! C’est ce qui ressort d’une inté­ressante discussion entre nos grands Sages, alors qu’ils étudiaient aux pieds de leur maître, rabbi Tarfon (Tossefia Berakhoth 4,16 – cf. Maharal, Netiv ha’anawa chap.6).

Divers avis sont en présence pour expliquer à quel titre Yehouda eut droit à la royauté.
La première proposition est que ce fut le courageux aveu de Yehouda dans l’histoire de Tamar qui lui fit mériter un tel honneur (Beréchith/Genèse 38, 15).
Yehouda avait en effet condamné Tamar à être mise à mort parce qu’elle était enceinte d’un incon­nu, alors qu’elle aurait dû attendre que le troisième fils de Yehouda la prenne pour épouse (à titre de Yi­boum). Tamar envoya alors les gages que Yehouda lui avait laissés lors de leur rencontre, sans dire publi­quement à quel titre il les lui avait remis. Yehouda avait la possibilité de refu­ser d’assumer la paternité des enfants qu’attendait Tamar, mais il fit le choix remarquable d’avouer que ces enfants étaient les siens. Là aussi, c’est le courage d’avoir fait cet aveu qui, selon cet avis, valut à Yehouda une telle récompense.

 

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Toutefois le maître refuse cette explication : finafement, cela signifierait que Yehouda aurait eu droit à la royauté à cause du fait – considéré com­me une faute – d’avoir connu Tamar !
Une seconde proposition fut avancée : c’est le mérite d’avoir sauvé ses frères de la faute qui valut à Yehouda d’accéder à ce rang. En effet, c’est lui qui incita ses frères à ne pas tuer Yossef, mais à le vendre à des nomades de passage avec leurs cara­vanes (id. 37,26-27). Mais cette réponse est elle aussi repoussée : que l’aspect positif de son inter­vention fasse déjà que lui soit pardonnée la faute d’avoir entraîné la vente de Yossef à des étrangers – car l’option qu’il choisit alors n’était guère plus valable.
La discussion se poursuit : c’est l’humilité de Ye­houda qui lui valut une telle nomination. Ne s’est-il pas offert d’être pris en esclavage à la place de son frère Binyamin (id. 44,33), au cours de la rencon­tre avec Yossef, avant que ce dernier ne dévoile sa véritable identité ?
A l’encontre de cette dernière proposition, on pourrait objecter que, a priori, l’humilité n’est pas la qualité la plus adéquate dans le cadre de l’exer­cice de la royauté … Mais non, rapportent ces Sa­ges, nous trouvons chez Chaoul – ce roi hors filia­tion (il vient de la tribu de Binyamin, et la royauté n’a pas été attribuée à cette tribu), qui régna avant que la filiation de Yehouda ne reçoive le pouvoir – que c’est parce qu’il possédait précisément cette vertu qu’il fut choisi ! En effet, quand Chaoul et celui qui l’accompagne, un esclave de son père, se lancent à la recherche d’ânesses perdues ( Che­mouel/Samuel 1 9), ils finissent par ariver chez le « ‘hozé », le prophète Chemouel. Chaoul crai­gnant alors que son père, Kich, se fasse du souci (id. verset 5), songe à faire demi-tour : « Arrivé au pays de Souf, Chaoul dit au serviteur qui l’ac­compagnait : « Çà, rebroussons chemin ; mon père pourrait bien ne plus songer aux ânesses et s’in­quiéter de nous. »» – « Nous» – c’est lui-même et l’esclave qui l’accompagne. En revanche, dans les paroles de Chemouel à ce sujet, le souci du père ne concerne en vérité – et naturellement – que son fils : « Tout à l’heure, après m’avoir quitté, tu ren­contreras près du tombeau de Rachel, à Tseltsla’h, près de la frontière de Binyamin, deux hommes qui te diront : « Les ânesses que tu étais allé cher­cher sont retrouvées ; et maintenant ton père n’a plus le souci de ses ânesses, c’est de vous qu’il est inquiet, et il dit : que ferai-je pour retrouver mon fils ? » » Chemouel/Samuel 1 10-2 – somme toute, c’est de son fils qu’il s’inquiète … ), Chaoul s’ex­prime en disant que son père s’inquiète du sort des deux – lui et de l’esclave – alors que le prophète ne parle que de l’inquiétude du père de Chaoul à l’égard de son fils.
Cette anecdote témoigne chez Chaoul d’une grande humilité, et d’un souci de l’autre, fût-il un esclave.

Rav H. Kahn

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