DE LA LIBÉRATION À LA LIBERTÉ
Au moment où le Tout-Puissant annonce à Moché la Sortie d’Egypte, Il partage cette annonce en quatre « termes de délivrance » ( « arba’ lechonoth chef gueoula » ), dont deux traduisent la « sortie » de l’état négatif ( « Je vous sortirai des souffrances » et « Je vous sauverai de l’esclavage » ), et deux expriment le passage à une situation << positive » (« Je vous libérerai avec un bras étendu », et enfin « Je vous prendrai pour peuple et Je serai votre D’ » Chemoth/Exode 6,6-7). La séquence de ces diverses expressions est particulièrement signifiante, car elle implique une pédagogie de la liberté, qui est d’une importance extrême pour notre époque.
Dans un premier temps, il est clair qu’il s’agit, au niveau de la Sortie d’Egypte, de « libérer » les enfants d’Israël de l’état de servitude, afin de les préparer à recevoir la Tora au Mont Sinaï. Il n’est pas anodin que la Révélation soit précédée de l’intrusion d’Amaleq, qui cherche à empêcher Israël d’arriver au terme de la Révélation du Sinaï : ‘Amaleq est un obstacle à la liberté.
Mais il importe de comprendre ce que signifie cette liberté. Après être passé par le dur esclavage en Egypte, que signifie la liberté, alors que le premier des Dix Commandements est ainsi formulé: « Je suis l’Eternel, ton D’, Qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, d’une maison d’esclavage » ? Esclave des hommes en Egypte, Israël se retrouve« serviteur de D’ ». C’est d’ailleurs la signification des troisième et quatrième termes de la délivrance, exposés précédemment : d’abord, libération physique, ensuite, libération spirituelle, en acceptant le joug de D’. C’est le principe et le sens de la liberté qu’il convient d’analyser 10 Kountrass 153 – Nissan 5772 / Avril 2012 maintenant. En acceptant la soumission à la Loi, l’individu affirme sa liberté: les Sages expliquent ainsi le terme utilisé par la Tora pour exprimer que les Paroles divines étaient « gravées » sur les Tables – le terme de« ‘harouth » – en l’assimilant au terme « ‘hérouth », «liberté». N’est libre que celui qui s’inscrit délibérément dans la soumission à l’ordre divin, au commandement (Avoth 6,2). Il soumet, par un acte de liberté, tous ses instincts et tous ses désirs à une Volonté qui le dépasse, et il s’affirme par là fondamentalement libre. A l’inverse, celui qui refuse la Loi, traduit par là sa soumission à ses pulsions primaires, animales. C’est la prérogative et la supériorité de l’homme juif de dépasser le fatalisme et de sortir du circuit fermé de la nature, en acceptant de reconnaître qu’il y a une Volonté suprême qui n’aliène nullement sa liberté, mais lui donne au contraire une assise essentielle.
Rav Lionel Cohn
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